Quelques heures avant d’être ovationné par le public de Gérardmer lors de l’hommage qui lui était rendu, Álex de la Iglesia nous a raconté son amour pour le cinéma de genre et s’est rappelé ses premiers souvenirs de spectateur. Rencontre.
AlloCiné : D’où vient votre amour pour le cinéma fantastique, en tant que spectateur ?
Álex de la Iglesia : J’adore ça, car on peut tout y mettre. On peut créer un univers de toutes pièces, des voitures qui volent, des boutiques extraordinaires, on peut vraiment inventer une conception du monde. Le film qui englobe tout cela, pour moi, c’est Blade Runner. D’un autre côté, si on a quelque chose de suffisamment intéressant à raconter, on peut aussi faire un film dans un bar, un hui-clos, comme mon dernier film El Bar.
Il y a comme une résurgence du film de monstres, notamment dans le cinéma espagnol, est-ce quelque chose qui vous touche, les films de monstres ?
Ce que je peux vous dire à ce propos, c’est que c’est aussi une histoire d’industrie : les films de monstres ne sont pas chers ! (rires) Bien sûr, les films de monstres, c’est quelque chose que j’aime énormément !
C’est Pedro Almodóvar qui a produit votre premier film, Action Mutante. Le film d’ouverture du festival, Le Secret des Marrowbone, était un premier long métrage produit par Juan Antonio Bayona, dont le premier long, L’Orphelinat, était lui-même produit par Guillermo del Toro. Dans quel mesure la question de la transmission vous intéresse ?
Je crois que c’est essentiel, c’est d’ailleurs presque naturel. Si je peux aider un jeune réalisateur, qui n’a aucun moyen de faire entendre sa voix auprès des chaînes de télévision, par exemple, alors bien sûr, je vais décrocher mon téléphone et mettre à profit le fait que je suis en contact avec ses gens et que ma voix à moi sera plus facilement entendue. C’est très important pour moi de pouvoir donner un coup de pouce à des jeunes cinéastes, car c’est très difficile de se faire une place lorsque l’on part de rien.
Vos films sont souvent très politiques. C’est beaucoup le cas du cinéma de genre espagnol de manière plus générale. A quoi cela tient selon vous ?
Ce n’est pas quelque chose que je recherche frontalement, mais quelque chose qui s’intègre naturellement dans l’histoire. Quand on écrit, on veut raconter une histoire et pour que ce soit intéressant, on est obligé de l’inscrire dans un contexte qui soit crédible. Finalement, ces éléments-là surgissent d’eux-mêmes. On a automatiquement une opinion sur les choses qui nous entourent, on ne peut pas faire un film qui soit dans une sorte de bulle de cristal, cela n’aurait pas de sens. Il faut y introduire des choses que l’on a vécues, que l’on observe autour de soi. Narrativement, c’est essentiel.
Tous vos films ne sont pas des films de genre ? Comment la question du genre s’inscrit dans le processus de création d’un film, en ce qui vous concerne ?
Je vais prendre l’exemple de Balada Triste. Je ne me dis pas que je vais parler de l’Espagne pendant la guerre civile, avec une métaphore sur le cirque.” Je me demande : “Quel est l’homme le plus misérable au monde ?” Et je me dis que ça pourrait être un clown triste, car ce n’est même pas celui qui fait rire, mais c’est celui qui reçoit les coups pour que l’autre fasse rire le public, et qui en souffre. Il n’y a rien de pire. Ensuite je me demande dans quel environnement je pourrais l’inscrire : la guerre. Le clou du spectacle, c’est d’être un clown triste pendant la guerre. C’est comme ça que l’histoire, puis le genre, émergent. Tout est question de contrastes.
Quel est votre tout premier souvenir de spectateur ?
Click Here: habitat tord boontje
A la télévision c’était King Kong et au cinéma c’était Godzilla, plus précisément Mothra contre Godzilla. Ce sont deux films de monstres, justement, c’est amusant ! Je devais avoir quatre ans et je me tenais d’abord debout, derrière le siège, car assis, j’étais trop petit et je ne voyais pas. (Il fait un croquis d’un petit garçon qui essaie de voir par-dessus un siège de cinéma en se mettant sur la pointe des pieds) Je regardais, comme ça, entre les sièges. Il y avait un papillon géant et deux petites jumelles qui chantaient, juste en-dessous de cet énorme papillon, qui est un kaiju – un monstre japonais – qui s’appelle Mothra. J’étais terrorisé.
Quel est votre film d’horreur préféré ?
Incontestablement, mon film d’horreur préféré, c’est Massacre à la tronçonneuse, de Tobe Hooper !
La bande-annonce de Mothra contre Godzilla (1964) :
Mothra contre Godzilla Bande-annonce VO