Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois très émouvante. Comme celle de l’immense Katharine Hepburn, écrivant une émouvante lettre d’amour à Spencer Tracy… Bien des années après son décès.
Lorsque les talents du cinéma prennent la plume pour écrire, ça donne une prose parfois étonnante, lucide, cruelle, drôle, émouvante, dévoilant aussi quelques fois les coulisses de la création d’un film, l’humeur de l’intéressé(e)… En partenariat avec le site DesLettres.fr, nous vous proposons ainsi régulièrement une lettre d’une personnalité en lien avec le monde du cinéma.
Après la lettre de Gérard Depardieu à la chanteuse Barbara la semaine dernière, place à une lettre très émouvante cette semaine, écrite par l’immense actrice hollywoodienne Katharine Hepburn. La relation passionnée qu’elle entretint avec Spencer Tracy, son grand amour, fut d’une rare et profonde intimité. Bien des années après le décès de l’acteur, elle lui adresse cette lettre post-mortem, ultime preuve de l’affection qu’elle lui vouait.
“Tu n’as jamais su entrer dans ta propre vie, mais tu pouvais devenir un autre…”
Cher Spence,
Qui a jamais pensé que je t’écrirais une lettre ? Tu es mort le 10 juin 1967. Mon Dieu, Spence, cela fait maintenant vingt-quatre ans. C’est long. Es-tu enfin heureux ? Est-il doux ce repos que tu goûtes ? Répare-t-il vraiment toute l’agitation et le tourment de ta vie ? Tu sais, je ne t’ai jamais cru quand tu parlais de tes insomnies. Je me disais : Oh !… tu exagères, tu dors… si tu ne dormais pas, tu serais mort. D’épuisement. Rappelle-toi cette nuit où… je ne sais pas…, tu te sentais si mal. Alors je t’ai dit : va te coucher, va. Je vais m’étendre sur le sol à coté de toi et te parler pour t’endormir. Je vais parler, parler, parler et tu trouverais cela tellement ennuyeux que tu n’auras pas d’autre échappatoire que le sommeil.
Je l’ai fait, j’ai pris un gros coussin et Lobo le chien. Et je suis restée à te veiller en caressant Lobo. Je te parlais de toi et du film que nous venions de terminer – Devine qui vient dîner – et de mon atelier, et de ton manteau de tweed neuf, et du jardin et de tous les sujets gentiment soporifiques – la cuisine, les commérages sans intérêt –, mais tu continuais de t’agiter dans tous les sens – à droite, à gauche – les oreillers trop bas – la couverture à tirer – et ainsi de suite. Pour finir – et je dis bien pour finir – tu t’es calmé. J’ai attendu quelques instants – et je suis sortie sur la pointe des pieds.
Tu me disais la vérité n’est-ce pas ? Tu avais vraiment des insomnies. À l’époque, je me demandais toujours… Pourquoi ? Je me le demande encore ; tu prenais des pilules. Très fortes. J’imagine que tu dirais que, sans elles, tu n’aurais jamais dormi. Pour toi, la vie n’était pas une chose facile n’est-ce pas ?
Quels étaient tes plaisirs ? Tu aimais le bateau, surtout par gros temps. Tu aimais le polo. Mais un jour Will Rogers est mort dans un accident d’avion. Et tu n’as plus jamais joué au polo. Jamais. Le tennis, le golf, non, pas vraiment. Tu faisais quelques balles. Non sans talent. Je ne crois pas que tu aies jamais vraiment manié un club. La natation ? Tu n’aimais pas l’eau froide. La marche ? Non, ce n’était pas ton truc. Cela faisait partie des choses que l’on peut faire tout en pensant – à tout, à rien, à quoi, Spence ? À Quoi ? À une chose précise comme la surdité de Johnny ou le fait d’être catholique, et mauvais catholique ? Pas de réconfort, jamais. Je me souviens du père Ciklic te disant que tu te concentrais sur ce que la religion avait de négatif, jamais sur ce qu’elle offrait de positif.
Il devait s’agir d’une chose fondamentale et permanente.
Et le plus incroyable. Toi – le plus grand acteur de cinéma. Je le dis parce que […]
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