10 ans après Les Ames grises, Yves Angelo revient avec Au plus près du soleil, une tragédie, filmée au plus près des corps, portée par Sylvie Testud, Grégory Gadebois et Mathilde Bisson entre autres. AlloCiné s’est entretenu avec le cinéaste.
AlloCiné : Vous avez dit que le scénario était pour vous une façon de provoquer des situations. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
Yves Angelo, réalisateur : C’est à double sens. Il ne s’agit pas de reproduire ce qui est écrit dans le scénario. La journée de tournage ne doit pas se résumer à voir la scène le mieux possible, avec évidemment ce qui est indiqué sur le scénario, mais au contraire, et c’est plus un parti pris de travail qu’une influence sur un résultat final. A partir du moment où la scène est là sur le scénario, tout est possible. Il est possible de faire autrement. Il n’y a que la répétition, le fait d’essayer comme ça, organiquement, qui permet de faire autrement éventuellement. Mais que le scénario ne soit pas cadenassé, qu’il ne soit pas une prison en vérité. Qu’il soit au contraire une porte qu’on ouvre.
C’est aussi dû aux problèmes de production et au temps de tournage, les temps de tournage sont maintenant très courts… Quand j’ai démarré dans le cinéma, un film moyen c’était 60 jours de tournage, maintenant un film moyen, c’est 26-27-28 jours. C’est quand même très court. Et quand on a ce temps très court, si on fait du cinéma comme on l’a fait précédemment, ou en majorité, c’est à dire qu’on faisait 6-8-10 plans dans une journée. Il fallait préparer chaque plan. Il était conçu à l’avance, dans la tête, et ensuite 20-30-40 minutes selon sa difficulté à mettre en place le plan techniquement, et ensuite les acteurs venaient. Ils jouaient la scène pendant 3 minutes. On faisait 5 ou 10 prises, et puis ils repartaient, et on organisait le 2ème plan, etc. Et la séquence se faisait comme ça.
Quand on a un temps très court, tout le temps passe à la préparation du plan. Si vous éliminiez cette préparation, tout le temps est consacré au travail de l’acteur. Je l’ai fait comme ça. On répète avec les acteurs, et dès qu’on a envie de filmer ce qui est présenté, je prends la caméra –caméra à la main- et je ne sais pas comment je vais le filmer. Je le filme intuitivement et toujours dans la continuité de la séquence, ce qui fait que l’acteur travaille toujours pendant la journée. Comme la caméra est à la main, je ne sais pas dans le décor où l’on va aller, quel angle je vais filmer.
Les comédiens savent ce qu’ils font bien sûr, mais avec la caméra, je ne sais pas de quel côté je vais aller, donc il n’y a pas de possibilité de mettre de la lumière, des projecteurs. Tout ça est très rapide. Il y a un côté très organique. Et je trouve qu’avec une caméra qui est portée, vous jouez avec les acteurs.
Avec votre caméra, vous participez à leur voyage d’une certaine façon. Et ce sont eux qui vous guident dans la mise en scène. Ce sont eux qui interpellent votre intuition, votre sensation, pour se rapprocher, se mettre de profil… C’est la façon dont on vit une séquence, beaucoup plus que la façon dont on la pense.
Un extrait d’Au plus près du soleil :
Au plus près du soleil – EXTRAIT "On va parler tous les deux"
Venons en au thème du film, est-ce un sujet que vous portiez depuis longtemps ? Pourquoi ce film aujourd’hui ?
Les films, ce sont souvent des hasards. Les films qu’on porte, généralement, on ne les fait pas. Moi ça faisait quasiment le 5ème scénario que je n’ai pas pu monter. Nous n’avons pas trouvé de financements pour pouvoir le faire. Et là c’est venu, pas par hasard, mais d’une proposition de la production Epithète qui m’a proposé un livre que j’ai refusé. Ils n’ont pas voulu s’arrêter là. Ils ont dit ‘pourquoi on ne développerait pas une autre histoire’.
Le principe de départ, c’était la rencontre imprévisible, improbable et totalement inattendue, qui créé un désordre dans une famille ou dans une communauté. Là, une mère adoptive rencontre la mère biologique de son fils. Qu’est ce que cette vérité là va entrainer comme mensonges, non-dits, impossibilité de parler, impossibilité d’affronter naturellement et simplement une vérité, mais au contraire essayer de la contourner par des mensonges… Chaque personnage va s’enfermer dans ce qu’il croit être son droit de vérité, pour conduire à la catastrophe. C’est né comme ça.
J’ai développé un synopsis. La production a trouvé ça intéressant. On a lancé l’écriture du scénario. J’ai proposé à François Dupeyron de travailler avec moi ; je le connais très bien, j’avais fait beaucoup de ses films en tant que chef opérateur, et on a la même vision de cet aspect improvisant, inattendu, de provoquer les choses chez les acteurs.
Travaillez-vous sur un nouveau projet de scénario ?
Oui, il y a des scénarios, mais comme je le disais, c’est tellement difficile maintenant… On passe tellement d’obstacles pour arriver à trouver des financements. On est presque jugé comme à l’école en fait ! On reçoit presque des notes. C’est très compliqué.
Maintenant, l’idéal, je trouve, c’est de faire des films les moins chers possible et les plus autonomes possible, et de faire, autant que faire se peut, les films qu’on a envie de faire, entre soi en quelque sorte. Vous perdez beaucoup, pas d’énergie, mais vous laissez en route beaucoup de choses qui vous ont justement forcé à avoir ce désir de faire le film, parce qu’il faut faire ceci ou cela, transformer ceci, il faut que le personnage ait plus d’empathie… Des choses avec lesquelles on est obligé de composer qui quelque part vous empêchent de faire le film d’une certaine façon. Donc il y a quelques projets, oui, mais je ne sais pas s’ils se feront.
Notre rencontre avec Mathilde Bisson, l’une des révélations du film :
Portrait d'une jeune actrice : Mathilde Bisson
Propos recueillis au Festival du film francophone d’Angoulême 2015
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